L'Hypothèse (1997)

Ce texte interroge le désir de réussite et la peur du ratage d’un auteur, Mortin. Il dévoile les dessous de l’écriture, ce que l’on ne devrait pas montrer : les doutes, la solitude, l’impuissance de l’auteur. Et cela devient la matière même du texte de Robert Pinget.

Au delà de l’impossible écriture, ce qui était mis en scène, c’était l’impossible théâtre.
Comment le spectacle peut-il montrer l’envers de la machine de la création théâtrale ? Comment peut-il laisser transparaître le processus d’écriture avec ses soubresauts, ses errances, l’attraction du vide, du silence ?

Nous avons inventés quatre personnages autour de l’auteur vieillissant. Ils sont des prolongements fantasmatiques de sa pensée, des doubles incarnés. Dans notre lecture de L’Hypothèse, Mortin voyait sa vie défiler en pointillés à travers le journal vidéo que nous lui avons imaginé. Fonctionnant comme une enquête, le spectacle, images à l’appui, se resserre autour de lui. Les doubles et l’enquêteur-vidéaste se fatiguent de l’écriture insuffisante de leur créateur. Ils l’abandonnent à sa parole inutile et l’acculent à voir “défiler dans sa tête toutes les occasions perdues de se taire”.

COPRODUCTION

Office Artistique de la Région Aquitaine – Molière Scène d’Aquitaine, théâtre de la Cité Internationale (Paris), Les 4 saisons du Revest, Théâtre Antoine Vitez à Aix en Provence, théâtre du Point Aveugle

DISTRIBUTION

Texte : Robert Pinget
Mise en scène : Clyde Chabot
Scénographie : Jean-Christophe Lanquetin
Vidéo : Denis Guéguin
Lumières : Pierre Zach
Jeu : Marc Bertin, Elodie Brémaud, Boris Lémant, Raphaël Potier, Cécile Saint-Paul.
Photographie : Guy Delahaye

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EXTRAIT DE TEXTE

Il finirait par y aller… (Un temps) Il prendrait son manuscrit sous son bras… il fermerait sa porte… il partirait… dans la nuit… vers le puits… (Un temps) Il traverserait le petit sentier bourré d’orties… Il se prendrait le pied dans un fil de fer… il s’étalerait… Il se relèverait… toujours serrant le manuscrit… (Un temps) Il rejoindrait la petite route bordée d’acacias et de ces plantes puantes comment ça s’appelle… comment ça s’appelle… (Un temps) Il continuerait vers le puits qui serait… plus que jamais dans son cœur… nécessaire… à sa vie ratée… (Un temps) Tout en marchant il se dirait… il se réciterait… un discours… un discours sur les débris… les débris… où d’autres solitaires comme lui… auraient essayé toute leur vie… de donner un sens à la mort… un sens à la mort… sans même le savoir… sans même savoir que c’était d’elle qu’il s’agissait… à travers les petits aléas de leur existence… (Un temps) Un discours pompiers… qu’il s’aviserait soudain… (Un temps) un discours pompiers qu’il comprendrait que ce serait celui du manuscrit sous son bras… (Un temps) Et il serait bien étonné… Il ne se serait jamais douté… d’avoir fabriqué des symboles… (Un temps) Il trouverait dans les mots bêtes de la dernière heure… la clé des rêves compliqués… qu’il aurait voulu faire briller dans son livre… (Un temps)

EXTRAITS DE PRESSE

Sur le texte de Pinget, la metteur en scène projette ses propres hypothèses de théâtre : montrer tout à la fois le processus et le résultat, la représentation et ses à côtés, confronter les techniques (vidéo, musique, gestuelle…). Ce qui donne, par exemple, au début du spectacle, un épatant quintette qui rassemble tous les comédiens. L’un dit le texte à voix haute, un autre à voix basse, un troisième prend des notes, une quatrième traduit dans une langue des signes très particulière et une violoncelliste l’interprète à sa manière. Le tout sans prétention et sans maniérisme : le spectacle multiplie les pistes mais reste modeste et souvent drôle. Et parvient à tout faire entendre de Pinget, émotion comprise. Pas si fréquent, quand tant de spectacles semblent en panne de nécessité, d’en voir un qui déborde d’idées.

René Solis, Libération, 1er Avril 1997 + Voir l’article

“Clyde  Chabot s’est  attachée à “l’Hypothèse” avec intimité s’emparant de la pièce sans frayeur et rêvant à son tour de tous les possibles d’une telle matière. Sa liberté de metteur en scène, son goût du burlesque et de la folie raisonnable, presque mathématique, le ton tour à tour enjoué de ses comédiens incarnant un personnage décuplé mais homogène dans son désarroi, révèlent avec une véritable sensibilité ce qu’il y a d’énigmatique et de désespéré dans le monologue de Pinget.”

Sophie Avon, Sud Ouest, 18 Mars 1997 + Voir l’article